Techniques de santé

 

HISTOIRE DE L'ALOÈS
Reine des plantes médicinales
 


 
Aloe vera barbadensis Miller


ANTIQUITÉ

Les vertus curatives de l'aloès étaient déjà bien connues dans l'antiquité. Expériences, observations, témoignages et récits légendaires parsèment sa fabuleuse histoire.

 
Il semble que ce soit chez les Sumériens, à l'époque des rois d'Akkad, que l'on trouve sur des tablettes d'argile, la première allusion à l'usage thérapeutique de l'aloès (musabbar). Les Assyro-Babyloniens l'utilisaient, avec l'absinthe vraie, contre la paresse d'estomac.

 
L'aloès figure aussi sur des vases peints égyptiens de l'époque archaïque. Le Livre égyptien des remèdes du fameux papyrus Ebers (XVe siècle av. J.-C.) fait également mention de l'aloès parmi des formules de guérison remontant peut-être au IIIe millénaire avant notre ère. Pour les Hindous, l'aloès figure en bonne place parmi les plantes secrètes de l'Atharvaveda qui le surnomme «le guérisseur silencieux».

 
Dans la Bible, on en trouve la trace dans plusieurs Livres sacrés: (Nombres, Cantique des Cantiques, Évangiles). L'Évangile selon saint Jean relate:«Nicodème, qui auparavant était allé de nuit vers Jésus, vint aussi, apportant un mélange d'environ cent livres de myrrhe et d'aloès. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l'enveloppèrent de bandes, avec les aromates, comme c'est la coutume d'ensevelir chez les Juifs.»

 

ÉGYPTE ANCIENNE

Chez les anciens Égyptiens, l'aloès avait la réputation de garder aux femmes leur beauté et leur éclat. Les pharaons le considéraient comme un élixir de longue vie. La tradition voulait que l'on apportât un plant d'aloès, symbole du renouvellement de la vie, comme cadeau, lors des cérémonies funéraires.

 
Planté autour des temples, des pyramides et le long des routes menant à la Vallée des Rois, l'aloès accompagnait le pharaon dans son passage vers l'au-delà, afin de le soigner et de le nourrir tout au long de son voyage. Quand il fleurissait, c'était signe que le défunt avait heureusement atteint l'«autre rive». Les prêtres associaient la «plante de l'immortalité» à leurs rites funéraires, l'incorporant à la composition de la formule de l'embaumement.
Les anciens Égyptiens, inventeurs du clystère, l'employaient en lavements purgatifs.
En outre, l'aloès possédait pour les anciens des vertus cosmétiques. On dit que les yeux de Cléopâtre devaient beaucoup de leur légendaire éclat à un collyre à base d'aloès confectionné par l'une de ses esclaves numides, et que le secret de la beauté de la peau et du teint de Néfertiti résidait dans ses bains quotidiens de lait d'ânesse et de pulpe d'aloès.

GRèCE ET ROME

Pour les Grecs, l'aloès symbolisait la beauté, la patience, la fortune et la santé.
Dans ses traités, Hippocrate décrit quelques propriétés curatives de l'aloès: repousse des cheveux, guérison des tumeurs, soulagement des dysenteries et des maux d'estomac.
On dit que vers 330 avant J.-C., Alexandre le Grand blessé au siège de Gaza (Palestine) par une flèche ennemie, vit sa plaie s'infecter durant sa chevauchée conquérante à travers l'Égypte et le désert de Libye.
Proclamé fils de Zeus à l'oasis d'Amon, un prêtre envoyé par le célèbre Aristote, (son précepteur et mentor), l'oignit d'une huile à base d'aloès en provenance de l'île de Socotra, qui le guérit de sa plaie. Il semblerait que ce fut également sur l'incitation d'Aristote qu'Alexandre le Grand entreprit une expédition navale pour s'emparer de l'île de Socotra afin de mettre la main sur ses plantations d'aloès. On prétendait en effet que le suc de cette plante rendait les guerriers invulnérables.
Pour de nombreux Orientaux, l'huile d'aloès a la réputation de procurer la sagesse et l'immortalité. Les Phéniciens faisaient sécher la pulpe extraite de ses feuilles dans des outres en peau de chèvre et l'exportaient à travers tout le monde gréco-romain jusqu'en Inde.
Pour de nombreux Orientaux, l'huile d'aloès a la réputation de procurer la sagesse et l'immortalité. Les Phéniciens faisaient sécher la pulpe extraite de ses feuilles dans des outres en peau de chèvre et l'exportaient à travers tout le monde gréco-romain jusqu'en Inde.
Ce fut au cours des guerres puniques que les Romains découvrirent avec étonnement les vertus de l'aloès dont leurs prisonniers carthaginois faisaient grande consommation pour soigner leurs blessures.
Au Ier siècle de notre ère, Celse, «le Cicéron de la médecine», vanta lui aussi les mérites de l'aloès dans son livre De arte medica. Quant à Dioscoride, médecin grec qui servit longtemps dans les armées romaines, il décrivait avec enthousiasme dans son De materia medica les propriétés de l'aloès, dont il notait, entre autres vertus, celles de faire coaguler le sang des blessures, de cicatriser les écorchures et les plaies ouvertes, de guérir les furoncles, les hémorroïdes. Il prétendait aussi que la pulpe fraîche d'aloès arrêtait la chute des cheveux et enrayait les ophtalmies.
Mais restons prudents. Cette réputation de «plante miraculeuse», ces louanges, ce dithyrambe, n'est-ce pas trop beau, ne serait-ce pas qu'une belle légende ou une vulgaire campagne de propagande pour favoriser la promotion des mille produits à base d'aloès, plus ou moins purs et plus ou moins efficaces qui déferlent d'ores et déjà sur le monde ?
Pline l'Ancien (23-79 ap. J.-C.) confirmant les découvertes égyptiennes, décrit dans son Histoire naturelle la manière originale de guérir la dysenterie en injectant de l'aloès à l'aide d'une poire à lavement.

ORIENT ET AFRIQUE

Les bédouins de la péninsule arabique et les guerriers touareg du Sahara connaissent depuis la plus haute antiquité les vertus de l'aloès qu'ils appellent «lys du désert».
Pour protéger leurs demeures, les habitants de Mésopotamie ornaient leurs portes de feuilles d'aloès. En cas d'épidémie ou de disette, les Parthes et les Scythes avaient coutume de se nourrir de feuilles d'aloès débarrassées de leurs épines. Les commerçants du Moyen-Orient exportaient les extraits de cette plante jusqu'en Chine, en passant par l'Inde, la Malaisie, le Tibet.
Ainsi, l'aloès est-il mentionné parmi les denrées précieuses dans le Jin Ping Mei, célèbre roman chinois, le Livre des Merveilles de Marco Polo ou les écrits de Maïmonide.
L'initiation aux vertus médicinales et aux pouvoirs du chanvre et de l'aloès faisait partie de l'enseignement des Ismaéliens, dont l'un des plus illustres représentant fut le médecin et philosophe Avicenne.
La légende prétend qu'Hasan ibn al-Sabbâh, le «Vieux de la Montagne», chef de la confrérie des «Assassins», s'en inspira. Cette doctrine comprenait l'apprentissage par degrés des arcanes des «sept sebayah» ou «connaissance du droit chemin» par laquelle les Ismaéliens conféraient à leurs adeptes des pouvoirs magiques. L'aloès, qui figure avec le chanvre parmi les plantes cultivées autour de la forteresse d'Alamût (nord de la Perse), était considéré par les Ismaéliens à la fois comme vulnéraire, antidote et élixir de longue vie. On dit que l'un des secrets de la longévité des Templiers résidait dans le fameux élixir de Jérusalem, composé de haschisch, d'aloès et de vin de palme.
Huit siècles plus tard, Dominique Larrey, chirurgien en chef des armées de Napoléon, initié par un marabout qu'il voyait guérir miraculeusement les plus terribles blessures infligées à ses mamelouks, apprit à soigner lui aussi les grognards de la Grande Armée avec la pulpe des feuilles d'aloès ouvertes à coups de sabre. De là l'expression militaire: sabrer l'aloès. (Archives du Val-de-Grâce).
La médecine ayurvédique de l'Inde tint également l'aloès en haute estime, en tant que plante majeure de sa pharmacopée. Considéré comme plante sacrée, il participait aux rituels des sacrifices, et, certaines de ses espèces étaient rigoureusement protégées. Sur les bûchers funéraires, on place aujourd'hui encore des feuilles d'aloès, symbole de renaissance et d'éternité.

 

MOYEN ÂGE ET RENAISSANCE

Dans un célèbre ouvrage de médecine de l'École de Salerne, Constantin l'Africain et ses disciples accordent une place de choix aux vertus thérapeutiques de l'aloès. Robert Dehin, dans son livre Le Docteur vert ou Docteur Aloès (voir bibliographie), rapporte ces vers fameux dédiés à la plante fétiche:

 
Il sèche une blessure, il ravive la chair
Du prépuce malade il détruit le cancer
Purge d'humeur les yeux, la tête dégagée
L'oreille oblitérée et la langue chargée
D'un débile estomac ranime la vigueur
Arrête des cheveux la chute et la langueur
Il soulage le foie et guérit les ictères.

 
Ce fut lors des Croisades que les chrétiens d'Occident découvrirent les vertus de l'aloès que leurs adversaires musulmans considéraient comme le remède par excellence. Au cours de leurs conquêtes, les Arabes acclimatèrent l'aloès en Afrique du Nord et en Andalousie. C'est grâce à l'aloès que les marins espagnols de la Santa Maria, décimés par la maladie et la malnutrition seront partiellement sauvés, incitant Christophe Colomb à l'appeler le «docteur en pot». Dès lors, les Espagnols en transportèrent toujours à bord de leurs navires pour se préserver du scorbut.
Paracelse, le grand médecin de la Renaissance, découvre l'aloès à Salerne, puis en Espagne et au Portugal. Dans une lettre à Amberg, il parle à mots couverts de "la mystérieuse et secrète «Aloe» dont «le suc d'or» guérit les brûlures et les empoisonnements du sang".
Mais ce sont surtout les pères jésuites portugais et espagnols qui, sur les pas des premiers explorateurs, cultivèrent l'aloès dans toutes les colonies, une plante dont ils connaissaient les propriétés curatives. Les Indiens convertis l'appelaient «l'arbre à Jésus».

INDIENS D'AMÉRIQUE

L'aloès était avec l'agave l'une des 16 plantes sacrées des Amérindiens*. Les Indiens cuisaient les feuilles d'aloès sous la cendre pour les manger, arrêtaient les hémorragies et cicatrisaient les blessures avec sa pulpe. Fermenté, le gel amer était réputé «calmer» le ventre, nettoyer les reins et la vessie, dissoudre les calculs, arrêter la toux, soulager les fluxions de poitrine et provoquer les menstrues. Les jeunes Indiennes enduisaient leur visage de jus d'aloès pour attirer les garçons (et chasser les parasites), comme le faisaient déjà les belles de l'antiquité.
Avant de partir à la chasse ou à la guerre, les guerriers frottaient leur corps de sa pulpe. Pour les Mazahuas, l'aloès était la plante magique par excellence. Il guérissait de toutes les maladies celui qui en consommait, lui procurait la force en «faisant venir le dieu en lui», donnait l'esprit clair au fou, à l'ivrogne, à celui qui déraillait. Une curieuse tradition indienne affirmait que si le pulque, (vin de l'agave) rend fou, le vin d'aloès guérit de la folie. Les Jivaros l'avaient surnommé «le médecin du ciel» car ils croyaient que la plante sacrée les rendait invulnérables.
Le ticitl ou guérisseur était chez les Nahuas l'homme un peu sorcier qui connaissait les plantes de pouvoir et les plantes qui guérissent. Il soignait les blessures, les piqûres d'insectes et les morsures de serpents en enduisant les plaies avec du «sang» de l'aloès. Les Indiens chassaient la migraine en l'appliquant en cataplasmes autour de leur tête souffrante. En fait, ce sont les Jésuites qui popularisèrent l'aloès dans les colonies d'Amérique.

 
* La plupart des botanistes affirment que l'aloès fut une plante importée et acclimatée sur le continent américain par les conquérants espagnols. Pourtant, les récits dignes de foi de voyageurs et d'auteurs ibériques de l'époque de la Conquête mentionnent la présence d'aloès en Amérique à l'arrivée des Européens. D'autres scientifiques estiment que l'Aloe barbadensis serait indigène du Cap Vert et de Madère, qu'il aurait pu être amené dans les Amériques par des oiseaux de mer ou les courants marins. L'aloès a souvent été confondu avec l'agave, plante indigène de l'Amérique précolombienne.

 

EXTRÊME-ORIENT

Au Japon, l'aloès est une plante reine. Une demi douzaine d'espèces sont cultivées pour de multiples usages. Il se boit, il se mange, il se consomme et il soigne. Jadis, avant le combat, les samouraïs enduisaient leur corps de pulpe d'aloès pour chasser les démons et se rendre immortels. Aujourd'hui, la pulpe de l'Aloe saponaria sert à faire des savons et des cosmétiques, l'Aloe ferox, l'Aloe thraskii, l'Aloe marlothii, l'Aloe vera entrent dans la composition de nombreuses préparations pharmaceutiques et cosmétiques.
Les Chinois, non moins friands d'aloès que leurs voisins japonais, l'utilisent également tant dans leur nourriture que dans leurs soins. Depuis des siècles, l'aloès y est reconnu comme médicament spécifique contre les brûlures et les affections de la peau.
Le poète Liu Yu Xi (8e siècle) raconta comment enfant il fut guéri d'un eczéma tenace dont aucune médecine ne venait à bout par un marchand d'herbes ambulant qui élabora pour lui une préparation de deux tiers d'aloès et d'un tiers de réglisse qui le soulagea instantanément.
L'aloès fit longtemps partie des plantes médicinales réservées à la famille impériale. Il figure notamment dans le Ben Cao (1505) ouvrage rédigé sur l'ordre de l'empereur Xiao Zong.
La pharmacopée chinoise de Li Shih-Shen (1518-1593) cite l'aloès parmi les plantes aux vertus thérapeutiques majeures et le nomme: «remède d'harmonie».
Les épines de l'Aloe ferox servaient d'aiguilles d'acupuncture aux fameux «médecins aux pieds nus», thérapeutes itinérants.
Notons que la médecine chinoise traditionnelle, très précise dans ses indications pharmacologiques et ses formulations, prescrivait des règles très strictes pour l'administration des médicaments. Les phases lunaires, la hauteur du soleil, le moment de la journée faisaient partie des ordonnances, concept repris de nos jours par des adeptes des médecines alternatives et même, depuis peu, par certains praticiens officiels
La médecine chinoise moderne utilise la pulpe de l'aloès dans le traitement de l'artériosclérose.

DE LA LÉGENDE À LA SCIENCE

Dans de nombreux pays où la médecine occidentale n'a pas tout à fait chassé les médecines traditionnelles, l'aloès demeure la plante médicinale par excellence. Les traditions locales attribuent à cette plante magique des vertus de protection et de porte-bonheur.
Au retour d'un pélerinage, les Musulmans suspendent à la porte de leur demeure des feuilles d'aloès ramenées de la Mecque, témoignant ainsi qu'ils ont bien effectué leur devoir afin que le Prophète vienne à son tour leur rendre visite.
Pour les Afrikanders et les Zoulous, l'aloès est «la plante qui guérit tout». Certaines peuplades du désert en tirent un savon liquide dont ils enduisent le corps et les cheveux, ce qui leur procure une peau resplendissante, une chevelure abondante et luxuriante.
Carol Miller Kent, dans son livre Aloe vera prétend qu'un onguent contre les brûlures à base d'aloès fit partie de la pharmacie emportée à bord de la capsule spatiale qui se posa sur la lune en 1969.
Les travaux du biologiste soviétique Israël Brekhman, restés longtemps secrets, prouvent l'efficacité de l'aloès dans les cas d'irradiation atomique. C'est Brekhman qui proposa le concept d'«adaptogène» pour expliquer son effet régulateur sur l'organisme.
La réputation séculaire de l'aloès et la renommée de ses vertus légendaires ont évidemment incité d'innombrables scientifiques à étudier ses propriétés médicinales et ses effets thérapeutiques. Or, malgré leur prévention devant ce remède de «bonne femme», ils durent admettre, non sans surprise, que beaucoup de ses vertus légendaires n'étaient pas du tout imaginaires, mais, de plus, ils lui en ont découvert d'inédites.
 
(© Marc Schweizer & APB)

 

 


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